Le caractère sentimental, extrait du livre "Un caractère pour la vie... Mais qui êtes-vous vraiment?"

 

 

     " (...) C’est sans doute un des caractères les plus étonnants, et sûrement aussi un des plus touchants ; nous commencerons donc par celui-ci. Le sentimental pur est un hypersensible, cette si grande « famille » dont les forums parlent aujourd’hui, dont des groupes se sont constitués et qui sont à l’origine de plusieurs livres et romans. Les hypersensibles sont composés de ceux dont la sensibilité et l’émotivité dépassent les autres caractéristiques du comportement. Tous les sentimentaux ne le sont pas, en raison de leur secondarité forte qui, parfois, surpasse le reste et les plonge dans les méandres de l’introversion la plus forte dans laquelle l’émotivité va comme se « dissoudre ».

     Par ailleurs, la famille des hypersensibles est composée également des nerveux (émotifs/non-actifs/primaires) ainsi que certains passionnés et colériques. Mais nous verrons que cette hypersensibilité revêt des comportements bien différents selon que nous avons affaire à un introverti ou un extraverti.

 

L’enfance du sentimental

       « Peut-être avez-vous été, vous aussi, un enfant un peu brimé qui se sentait moins vigoureux que les autres dans la cour pleine de cris et de disputes. Peut-être avez-vous frémi à la pensée d’être appelé au tableau par un professeur méprisant et habile à faire de vous aux yeux de la classe un enfant ridicule et idiot… » (F MAURIAC).

     Enfant, c’est d’abord ce regard qui vous trahit. Un regard à la fois inquiet et profond, tourné vers votre interlocuteur et vers vous-même. Un regard à la fois franc et réticent, sincère et réservé. Lorsque vous vous faites gronder, c’est un drame. Vous êtes blessé profondément alors que cette même remarque adressée à un « non émotif » n’aura aucun impact. Un nerveux, émotif et primaire, pleurera un bon coup puis oubliera très vite. Vous, vous êtes marqué, vous ruminez plusieurs jours cet évènement qui d’heure en heure va prendre une ampleur considérable. Votre tête s’abaisse, c’est le signe de la soumission provisoire et de la réflexion qui commence.

    Vous n’êtes pas l’esclave et le reflet des évènements, mais vous en êtes en quelque sorte le juge-arbitre. Vous y êtes sensible, extrêmement, mais à échéance. C’est de là que découle dans le présent l’unité de votre conduite, l’accord solide des pensées entre elles et la correspondance des actes et du retentissement de la pensée. Vous avez intégré les règles morales tôt. Enfant, vous êtes apprécié pour votre honnêteté et votre véracité.

     Votre enfance vous marquera à jamais parce que vos souvenirs s’imprimeront fortement. La secondarité fixe solidement les traces du passé et l’émotion « introversive » imprégnera votre mémoire à long terme. Pour cette raison, le moindre choc dans l’enfance d’un sentimental peut avoir un retentissement qui s’étend jusqu’à la conscience et dont vous serez potentiellement l’esclave toute votre vie durant. Bon nombre de blessures peuvent meurtrir les sentimentaux : une éducation trop tendre ou bien trop castratrice pourra avoir, du reste, des effets très néfastes. Mais nous y reviendrons plus amplement.  

     L’introversion peut être compensée par une bonne harmonie avec votre environnement. Vos qualités et vos valeurs intrinsèques font que l’on va reconnaitre en vous ces atouts et vous apprécier, entre autres, pour votre sens de la moralité. Vos parents, éducateurs ou enseignants ont un rôle prédominant pour vous « ramener » au monde environnant.

     Il est certain qu’un enfant de bonne humeur et enjoué attirera plus facilement les autres autour de lui. Les caractères primaires ont cette faculté. Ce sont eux les « populaires » et ils n’ont pas de difficulté à être syntone. Mais, comme le précise André LE GALL dans son recueil de caractérologie à l’usage des parents et éducateurs (Presse universitaire de France) ; « Il y a une échelle de valeur de la syntonie. Celles de certains sanguins (primaires), dominée et orchestrée par l’extérieur et ses évènements, n’est un constant accord qu’au prix d’une docilité excessive, d’une certaine lâcheté de la personne ». La bonne humeur du sentimental, lorsqu’il la laisse transparaitre, est vraie et pure sans qu’elle soit entachée d’indifférence ou déguisée d’insignifiance.

     L’éducation sera prédominante dans la confiance en soi du petit sentimental. Si vous avez été élevé dans l’indifférence, si personne ne vous a tiré vers le haut, le danger de vous voir perdre dans les vicissitudes de l’introversion est fort ; « On nait sentimental, on devient introverti, et, plus loin, schizoïde ou paranoïaque » souligne André LE GALL. Si vous avez été compris, stimulé, aimé, reconnu et apprécié pour ce que vous étiez, alors les perspectives de pouvoir vous réaliser pleinement seront là.

     Enfant, vous avez pu déjà connaitre des périodes de dépression, passagères ou plus intenses. Il est fréquent que certains sentimentaux s’enferment sur eux-mêmes, ne jouent plus ou décident même de ne plus s’alimenter. Dans certains cas, ils s’enferment suite à un choc moral et les conséquences s’installent, « allant jusqu’ aux déficiences corporelles » souligne André Le Gall. Dans d’autres cas les dépressions trouveront leur cause dans le retentissement moral de leurs déficiences physiologiques. C’est aussi ce que Jung écrit lorsqu’il affirme que « lorsque le milieu ou l’évènement le déçoivent, il se complet dans l’introversion parce qu’il y reprend sa revanche ». Il est sûrement arrivé parfois que votre famille vous reproche votre isolement ou votre rumination. En réalité, vous êtes tellement attentif aux marques de sympathie ou d’intérêt que vos proches peuvent avoir pour vous, que vous vous isolez lorsque vous estimez ne pas en recevoir assez. Et vous vous appuyez sur leurs reproches pour justifier votre bouderie.

     A l’école, ce sont les élèves trop excités, beaux parleurs et insolents qui auront été votre « bête noire ». Vous fuyez ainsi la vulgarité, la brutalité des couloirs bondés, des classes bruyantes, et ces fameux « populaires » qui n’ont pas à vos yeux tous les mérites qu’on veut bien leur attribuer. Alors, vous préférez la compagnie d’enfants plus dociles, plus fréquentables. Vous avez un ou deux copains bien choisis plutôt qu’un groupe bruyant et chahutant, comme ceux qui s’acharnent sur vous et seront à l’origine des impressions mauvaises qui vont vous faire ruminer des heures durant et empêcher votre sommeil.

     Depuis l’école, puis au collège et enfin au lycée, vous avez pris conscience de la dureté du monde, de sa laideur et de sa méchanceté. L’école occupe le premier plan de vos préoccupations. C’est ici que se construira le jugement que vous porterez sur vous-même et si au sein de la famille vous ne ressentez pas le soutien nécessaire ce seront autant de difficultés qui vont vous meurtrir et vous obséder.

     Il convient de souligner que plus la secondarité est forte, plus les effets de la société pourront être dévastateurs, et vous pourriez en grandissant vous mettre en opposition par rapport au « système ». Si vous êtes moins secondaire et disposant de facultés intellectuelles élevées et d’une largeur d’esprit féconde, vous pourrez être amenés à vous investir avec une grande sincérité dans des projets dont la morale est au cœur de vos préoccupations.

     Vous êtes capable de bons résultats, moyennant des efforts pour vaincre votre inactivité. Mais vous pourriez faire mieux si rien ne venait entraver vos efforts : si vous recevez une remarque d’un prof ou une mauvaise note, vous aurez un sentiment de méfiance ou d’hostilité à l’égard de l’instituteur qui vous a sanctionné et vous ressentirez un vif complexe de culpabilité. Vous êtes mécontent de vous parce que vous êtes aussi très conscient de vous-même. Mais cette exigence, l’inactivité tend à la faire glisser vers l’autocritique et l’autodépréciation.

     Il est important que les parents minimisent l’insuccès et qu’ils aient une démarche pour recueillir calmement vos explications, faute de quoi la sanction viendra s’ajouter au blâme intime. Les maths, la physique, la chimie, la techno, ne sont à priori pas vos matières de prédilection. Mais si l’on vous montre l’intérêt qu’elles représentent, vous pourriez vous y attacher pour le plaisir de la découverte. C’est aussi le souci de bien faire et la conscience professionnelle qui vous caractérisent. Cette disposition caractérielle est un atout et beaucoup d’entre vous se donneront un emploi du temps et une méthode qu’ils suivront avec précision.

 

Vous êtes vulnérable

     Violemment ébranlés par tous les événements, même minimes, se rapportant à vos intérêts, vous êtes livrés à ces fortes émotions par une passivité générale. La secondarité intervient pour inhiber la tentation d’une réaction prématurée, à demi adaptée et toujours irréfléchie. Il en résulte en premier lieu que la cause de l’émotion, au lieu d’être interrompue dans votre action, va pénétrer, approfondir et étendre son influence dans l’intimité. En conséquence, un évènement même minime vous provoquera une blessure dont le retentissement sera dans l’avenir plus ou moins prolongé.

     Les mots « blessure » ou même « lésion » ne sont pas trop forts. Les excitations d’origine extérieure sont ressenties plus souvent par vous que par les autres comme négatives, douloureuses, blessantes. Maladroit, vous vous adaptez difficilement à ce qui n’est pas votre quotidien et vous fuyez même toute perspective de nouveauté dans votre vie.

     Par l’influence secrète mais constante de votre inactivité, accrue par celle de la secondarité qui empêche la spontanéité, votre émotivité est tournée vers votre échec et la conscience de votre échec, vers les sentiments tristes, plutôt que vers son essor ou l’allégresse joyeuse de l’action. Enfin, la secondarité, en prolongeant ces expériences, en les offrant à votre intui­tion intérieure, approfondit cette tristesse par son doublement dans la réflexion. Ces raisons s’ajoutant les unes aux autres vous déterminent plus que qui­conque à ressentir les émotions comme des souffrances, les événe­ments comme des agressions, le nouveau comme hostile.

     Vous êtes également très sensibles aux variations météorolo­giques de l’atmosphère et le changement de temps vous perturbe. Un matin ensoleillé vous donnera l’énergie qui disparaîtra aussitôt si le lendemain est pluvieux. Vous finissez par vous conformer au rythme du milieu climatique en ressentant par moment une sorte de spleen intérieur quand le temps devient mauvais, et un bien être au premier rayon de soleil. Vulné­rables de manière extrême, votre souci principal devient vite la préoccupation de vous protéger contre les blessures infligées de l’extérieur. L’ennemi numéro un, c’est l’autre. Vous fermez parfois vos volets pour ne pas être vu du voisin, tout au moins les jours où vous n’avez envie de voir personne. Vous cachez les objets, même ceux qui n’ont aucune valeur, vous êtes secret, et ne racontez nullement votre vie à votre entourage de peur de recevoir des observations désobligeantes. Pour vivre heureux vivons cachés, ou loin des autres, tant que faire se peut.

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